La lecture, parlons-en !
À l’heure actuelle, la lecture est devenue la chose la moins prisée au Burkina Faso. Tout le laisse croire. Rien qu’à écouter les uns et les autres s’exprimer, on comprend tout de suite qu’ils ont perdu le goût pour la lecture. Même les quotidiens d’informations qui nous filent les nouvelles crues de la vie politique et sociale sont également victime du désintéressement du lecteur. Pour preuve, plutôt que d’aller à la source du savoir qui reste le seul monopole du livre, l’on préfère s’abreuver de toutes les intoxications possibles via mère rumeur, prétextant le manque de temps ou la paresse de lire. Pourtant, si je ne m’abuse, la lecture s’avère sinon la base du développement intellectuel, au moins l’essence qui nous procure les connaissances nécessaires pour notre bien-être social. En témoigne cette déclaration de Victor Hugo : « lire, c’est boire et manger. L’esprit qui ne lit pas maigrit, comme le corps qui ne mange pas ! »
Avant l’apparition de la télévision, le livre constituait le seul moyen d’information et de détente. Tous ceux qui découvraient l’alphabet français consommaient sans modération cet outil indispensable à la culture générale. Qui pour s’informer des réalités de la vie, qui d’autre pour s’instruire, qui d’autre encore pour s’évader… Bref, chacun s’y adonnait avec joie. Surtout que cela favorisait la maîtrise de la langue de Molière imposée par le colonisateur comme langue principale au détriment de celles locales considérées à tort comme étant des dialectes sauvages, voire inutiles. En tout cas la lecture s’avérait l’une des disciplines phares de l’époque que tout bon lettré digne de ce nom s’employait à pratiquer avec beaucoup d’intérêt. On le répétait d’ailleurs sans arrêt à l’école, seule la lecture permet de renforcer la maîtrise parfaite de la langue et de comprendre les aspects de la vie. N’est-ce pas ce qui a valu à l’époque la naissance d’un grand nombre d’élites du pays dont certains continuent encore de briller de nos jours par leur simple intelligence au point que la génération actuelle ne peut rivaliser de talent faute de culture générale malgré le foisonnement des nouvelles technologies de l’information.
C’est vous dire combien la lecture est un puissant moyen de développement de l’esprit humain. En la pratiquant, elle vous procure non seulement du bonheur sur le plan psychique mais aussi sur le plan social. Dans le premier cas on assiste à la détente du cerveau et à son ouverture intellectuelle. Dans le second cas, le corps s’épanoui pleinement, s’exprime avec aisance et sans complexité. On peut donc dire sans se tromper que la lecture nous éloigne de trois grands maux : l’ennui, l’ignorance et le mal-être. Cependant, elle nous rapproche de trois grandes merveilles : le savoir, le savoir-faire et le savoir-être.
Il n’est pas étonnant de voir la génération actuelle commettre des fautes dans des expressions courantes. Elle manque même de logique dans son raisonnement, si celle-ci n’éprouve pas des difficultés à cerner les tenants et les aboutissants de la vie. Alors qu’on la juge plus évoluée que la vieille génération au regard de l’apparition des nouvelles technologies de l’information. Bien qu’ayant eu la grande opportunité d’effectuer des études plus poussées, il n’en demeure pas moins qu’elle présente beaucoup d’insuffisances dues au manque de culture générale. Seule une lecture permanente et généralisée peut contribuer à combler ses lacunes. À titre d’exemple, beaucoup évoque sans cesse aujourd’hui le nom de Karl Max, de Lénine, d’Amilcar Cabral, de Nelson Mandela, de Thomas Sankara et j’en passe, sans avoir jamais ouvert un livre les concernant afin de s’imprégner de leur vraie personnalité. Ils se contentent plutôt de se gaver des informations que leur fournissent les médias audiovisuels sans chercher à approfondir leurs connaissances en la matière. Ils oublient que la parole s’envole, mais les écrits restent. Le cerveau retient ce qu’il a pris de la peine à enregistrer, cependant il enterre si vite les propos qu’on lui tient, même s’il garde les images c’est juste pour un temps. Une bonne lecture par contre vous fera réveiller dans les moindres détails des souvenirs datant de longues années.
Revenons encore à nos grands hommes précités. Thomas Sankara, pour ne prendre que son cas, s’affichait aux yeux de tous comme un homme intelligent à travers son verbe facile et sa maîtrise parfaite des questions relevant de la vie politique et sociale. N’est-ce pas le fruit de ses nombreuses lectures ? Pour preuve, ne disait-on pas qu’il tenait des idées purement marxiste ou léniniste ? Comment parvenait-il à dégager de telles idéologies ? Parce qu’il s’imprégnait au préalable des personnalités de ses idoles dans un livre au point qu’il retenait mot pour mot tout ce qu’ils y racontaient ! Aujourd’hui, il est triste de constater que beaucoup usurpe le nom de Sankara pour se proclamer comme tel alors qu’ils ignorent complètement le sens profond du sankarisme. S’ils ne croient pas qu’il s’agit d’une lutte aveugle dont le but consiste à satisfaire leurs seuls intérêts égoïstes. N’est-ce pas le résultat de l’obscurantisme dont ils font preuve à travers leur refus catégorique de se cultiver ! Si nos devanciers avaient tenu un tel comportement, le monde serait encore au stade primitif.
Voilà pourquoi Victor Hugo affirmait sans ambages dans un de ses poèmes : « Dieu, le premier auteur de tout ce qu'on écrit, a mis, sur cette terre où les hommes sont ivres, les ailes des esprits dans les pages des livres ».
On ne cessera jamais de le répéter, la lecture est un puissant remède contre les tares de la société. Malheureusement force est pour nous de constater que de nos jours, le livre est devenu un objet obsolète. En lieu et place, on se sert des nouveaux outils de haute technologie. Je n’ai rien contre, tant que ceux-ci peuvent contribuer au développement de l’homme, à préserver nos valeurs morales. Mais au regard des contenus qu’ils nous proposent, j’ai bien peur que cela ne contribue davantage à saper la morale de nos sociétés. D’où cette perte de vitesse énorme au niveau de l’éducation, entrainant d’office la recrudescence de l’incivisme. En un mot, la jeunesse d’aujourd’hui a divorcé d’avec la lecture, alors que cette dernière représente l’une des valeurs sûres et incontournable de l’éducation. Victor Hugo n’a-t-il pas laissé entendre que tout homme ouvrant un livre y trouve une aile et peut planer là-haut où l’âme en liberté s’émeut ! Il ajoutait d’ailleurs que l’école est sanctuaire autant que la chapelle ! Ceci pour dire que l’alphabet que l’enfant avec son doigt épelle, contient sous chaque lettre une vertu ! Ainsi, la désaffection des jeunes vis-à-vis de la lecture est un handicap majeur au développement. L’écrivain émérite Henry Lopez l’a même souligné en disant que : « si vous n’avez pas des hommes instruits vous ne pouvez pas vous développer ! »
Pour y remédier, il est donc temps pour nous de changer notre fusil d’épaule. Donc au petit enfant, donnez le petit livre ! Marchez, la lampe en main, pour qu’il puisse vous suivre ! Disait encore Victor Hugo. Entendez par-là qu’il faut donner ou rendre le goût pour la lecture à la jeunesse. Il faut cultiver en elle ce désir ardent de toujours lire entre les lignes, car le cœur s’éclaire doucement à cette humble lueur, selon toujours Victor Hugo. En somme, il s’agit d’ouvrir le monde de la lecture et de la littérature à toute la jeunesse. Certes, le défi à relever est de taille, mais il est rassurant de savoir que ce procédé pourra contribuer à améliorer un tant soit peu le faible niveau de nos enfants. Il n’est jamais trop tard pour gagner à la lecture des jeunes, si tant est qu’elle permet de développer leurs compétences tout en bâtissant avec eux leur motivation à lire. Quand on sait que certains l’ont abandonné suite à un parcours d’échec dans leurs études, d’autres par contre n’ont pas encore eu l’occasion de se lancer dans cette aventure, faute de rencontres positives avec les livres. Car c’est à travers les lignes des livres que se révèle l’esprit des grands hommes.
En conclusion, retenons ces précieux vers de Victor Hugo :
« La nuit produit l'erreur et l'erreur l'attentat.
Faute d'enseignement, on jette dans l'état
Des hommes animaux, têtes inachevées,
Tristes instincts qui vont les prunelles crevées,
Aveugles effrayants, au regard sépulcral,
Qui marchent à tâtons dans le monde moral.
Allumons les esprits, c'est notre loi première,
Et du suif le plus vil faisons une lumière.
L'intelligence veut être ouverte ici-bas ; »
Alex YAMBA
Écrivain-éditeur
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